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BOSSUET (1627-1704) Sermon sur la Providence Quand je considère en moi-même la disposition des choses humaines, confuse, inégale, irrégulière, je la compare souvent à certains tableaux, que l'on montre assez ordinairement dans les bibliothèques des curieux comme un jeu de la perspective.

Publié le 21/10/2016

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BOSSUET (1627-1704) Sermon sur la Providence Quand je considère en moi-même la disposition des choses humaines, confuse, inégale, irrégulière, je la compare souvent à certains tableaux, que l'on montre assez ordinairement dans les bibliothèques des curieux comme un jeu de la perspective. La première vue ne vous montre que des traits informes et un mélange confus de couleurs, qui semble être ou l'essai de quelque apprenti, ou le jeu de quelque enfant, plutôt que l'ouvrage d'une main savante. Mais aussitôt que celui qui sait le secret vous les fait regarder par un certain endroit, aussitôt, toutes les lignes inégales venant à se ramasser d'une certaine façon dans votre vue, toute la confusion se démêle, et vous voyez paraître un visage avec ses linéaments et ses proportions, où il n'y avait auparavant aucune forme humaine. C'est, ce me semble, Messieurs, une image assez naturelle du monde, de sa confusion apparente et de sa justesse cachée, que nous ne pouvons jamais remarquer qu'en le regardant par un certain point que la foi en Jésus-Christ nous découvre. « J'ai vu, dit l'Ecclésiaste, un désordre étrange sous le soleil ; j'ai vu que l'on ne commet pas ordinairement ni la course aux plus vites, ni la guerre aux plus courageux, ni les affaires aux plus sages : Nec velocium (esse) cursum, nec fortium bellum… ; mais que le hasard et l'occasion dominent partout, sed tempus casumque in omnibus. » « J'ai vu, dit le même Ecclésiaste, que toutes les choses arrivent également à l'homme de bien et au méchant, à celui qui sacrifie et à celui qui blasphème : Quod universa aeque eveniant justo et impio…, immolanti victimas et sacrificia contemnenti… Eadem cunctis eveniaunt. » Presque tous les siècles se sont plaints d'avoir vu l'iniquité triomphante et l'innocence affligée ; mais de peur qu'il y ait rien d'assuré, quelquefois on voit, au contraire, l'innocence dans le trône et l'iniquité dans le supplice. Quelle est la confusion de ce tableau ! et ne semble-t-il pas que ces couleurs aient été jetées au hasard, seulement pour brouiller la toile ou le papier, si je puis parler de la sorte ? Le libertin inconsidéré s'écrie aussitôt qu'il n'y a point d'ordre : « Il dit en son cœur : il n'y a point de Dieu », ou ce Dieu abandonne la vie humaine aux caprices de la fortune : Dixit insipiens (in corde suo : Non est Deus). Mais arrêtez, malheureux, et ne précipitez pas votre jugement dans une affaire si importante ! Peut-être que vous trouverez que ce qui semble confusion est un art caché ; et vous savez rencontrer le point par où il faut regarder les choses, toutes les inégalités se rectifieront, et vous ne verrez que sagesse où vous n'imaginiez que désordre. Oui, oui, ce tableau a son point, n'en doutez pas ; et le même Ecclésiaste, qui nous a découvert la confusion, nous mènera aussi à l'endroit par où nous contemplerons l'ordre du monde. J'ai vu, dit-il, sous le soleil l'impiété en la place du jugement, et l'iniquité dans le rang que devait tenir la justice : c'est-à-dire, si nous l'entendons, l'iniquité sur le tribunal, ou même l'iniquité dans le trône où la seule justice doit être placée. Elle ne pouvait pas monter plus haut ni occuper une place qui lui fût moins due. Que pouvait penser Salomon en considérant un si grand désordre ? Quoi ? que Dieu abandonnait les choses humaines sans conduite et sans jugement ? Au contraire, dit ce sage prince, en voyant ce renversement, « aussitôt j'ai dit en mon cœur : Dieu jugera le juste et l'impie, et alors ce sera le temps de toutes choses : Et tempus omnis rei tunc erit ». 00020000028B00000DEA285,Voici, Messieurs, un raisonnement digne du plus sage des hommes : il découvre dans le genre humain une extrême confusion ; il voit dans le reste du monde un ordre qui le ravit ; il voit bien qu'il n'est pas possible que notre nature, qui est la seule que Dieu a faite à sa ressemblance, soit la seule qu'il abandonne au hasard ; ainsi convaincu par raison qu'il doit y avoir de l'ordre parmi les hommes, et voyant par expérience qu'il n'est pas encore établi, il conclut nécessairement que l'homme a quelque chose à attendre. Sermon sur la Providence, 1662, in Sermon sur la mort et autres sermons, Paris, Garnier-Flammarion, 1970, p. 81 et sq.
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« Le libertin inconsid?r? s'?crie aussit?t qu'il n'y a point d'ordre?: ??Il dit en son c?ur?: il n'y a point de Dieu??, ou ce Dieu abandonne la vie humaine aux caprices de la fortune?: Dixit insipiens (in corde suo?: Non est Deus). Mais arr?tez, malheureux, et ne pr?cipitez pas votre jugement dans une affaire si importante?! Peut-?tre que vous trouverez que ce qui semble confusion est un art cach?; et vous savez rencontrer le point par o? il faut regarder les choses, toutes les in?galit?s se rectifieront, et vous ne verrez que sagesse o? vous n'imaginiez que d?sordre. Oui, oui, ce tableau a son point, n'en doutez pas?; et le m?me Eccl?siaste, qui nous a d?couvert la confusion, nous m?nera aussi ? l'endroit par o? nous contemplerons l'ordre du monde.

J'ai vu, dit-il, sous le soleil l'impi?t? en la place du jugement, et l'iniquit? dans le rang que devait tenir la justice?: c'est-?-dire, si nous l'entendons, l'iniquit? sur le tribunal, ou m?me l'iniquit? dans le tr?ne o? la seule justice doit ?tre plac?e.

Elle ne pouvait pas monter plus haut ni occuper une place qui lui f?t moins due.

Que pouvait penser Salomon en consid?rant un si grand d?sordre?? Quoi?? que Dieu abandonnait les choses humaines sans conduite et sans jugement?? Au contraire, dit ce sage prince, en voyant ce renversement, ??aussit?t j'ai dit en mon c?ur?: Dieu jugera le juste et l'impie, et alors ce sera le temps de toutes choses?: Et tempus omnis rei tunc erit??. 00020000028B00000DEA285,Voici, Messieurs, un raisonnement digne du plus sage des hommes?: il d?couvre dans le genre humain une extr?me confusion?; il voit dans le reste du monde un ordre qui le ravit?; il voit bien qu'il n'est pas possible que notre nature, qui est la seule que Dieu a faite ? sa ressemblance, soit la seule qu'il abandonne au hasard?; ainsi convaincu par raison qu'il doit y avoir de l'ordre parmi les hommes, et voyant par exp?rience qu'il n'est pas encore ?tabli, il conclut n?cessairement que l'homme a quelque chose ? attendre. Sermon sur la Providence, 1662, in Sermon sur la mort et autres sermons, Paris, Garnier-Flammarion, 1970, p.?81 et sq.. »

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