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Bonheur et bien-être matériel.

Publié le 26/04/2011

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   « Les temps sont-ils proches ou les hommes penseront avoir inventé le bonheur? Du moins les techniques pour y parvenir se sont-elles considérablement développées depuis que Nietzsche exprimait son amertume. Elles sont de deux sortes, les unes se rapportant aux conditions extérieures d'une existence facile; les autres aux régulations intérieures d'une vie intime euphorique.    Les premières impliquent une certaine identification entre le bonheur et le bien-être. Bien sûr, cette confusion n'est jamais totalement avouée ou admise par l'opinion publique. Nous l'avons déjà dit : le sens commun sait bien faire la distinction entre les circonstances favorables à un état d'âme et cet état d'âme lui-même. Il suffit de citer à nouveau le proverbe : « L'argent ne fait pas le bonheur. « Mais cette sagesse populaire est à peu près éclipsée par le prestige de tout ce que la société industrielle invente et fabrique pour rendre la vie quotidienne plus agréable. La recherche du confort se substitue à celle du bonheur. C'est tellement plus simple et surtout plus précis!    Vous achetez une automobile : vous pouvez estimer d'avance la somme de jouissances qu'elle vous procurera. Vous êtes assis chez vous, le soir, un verre de whisky à la main, et vous regardez à la télévision un programme qui vous plaît. Le chauffage central crée une douce ambiance, pendant qu'il neige dehors. Voilà des agréments sur lesquels vous pouvez compter. Il n'y a plus qu'à vous persuader que c'est cela qui s'appelle être heureux, et voilà votre existence arrangée douillettement.    La publicité tentaculaire qui s'étale sur les murs, dans vos journaux et au cinéma vous encourage sournoisement à opérer cette simplification. Elle fait grand usage, sinon du mot « bonheur «, du moins de ceux qui lui sont apparentés.    Cette jeune fille était malheureuse, incomprise. Mais un jour elle a eu l'idée d'essayer le nouveau dentifrice X... Alors, avec son haleine fraîche, elle a pu connaître tous les succès qui lui étaient refusés. Le beau jeune homme qui s'écartait d'elle naguère est venu lui faire la cour. Ils se marieront et seront heureux. Une autre a la chance d'employer le savon Z... Elle garde ainsi un teint de jeune fille qui lui permet à tout âge d'être comblée par l'existence.    Plus souvent la suggestion émane d'une simple image. Voyez les visages heureux de cette famille installée dans la nouvelle voiture de cette grande marque. Et le sourire radieux de la ménagère devant sa machine à laver. Achetez cet électrophone, et vous aurez cette mine épanouie en écoutant vos airs préférés. Employez un rasoir électrique et vous aurez ce sourire béat. Bien sûr, vous êtes trop intelligent pour prendre à la lettre de pareilles fadaises. C'est vrai, je n'en doute pas. Mais ce qui vous atteint, ce qui vous « met en condition «, c'est l'ensemble de toute cette publicité. Elle n'a pas le pouvoir de vous convaincre automatiquement que votre félicité dépend de cet ustensile ou de ce produit. Elle finit cependant par créer un état d'esprit, une sorte de réflexe conditionné ou d'association d'idées : les objets de confort sont poussés de force dans votre conception du bien-être et finalement celle de votre bonheur. Vous n'y prenez pas garde; aucune image ne vous contraint; mais toutes celles qui défilent chaque jour sous vos yeux inattentifs laissent comme un résidu indéfinissable dont vous êtes imprégné.    On a parfois donné le nom de « société de consommation « aux formes de civilisation qui s'épanouissent en Occident, surtout en Amérique, et tendent à se répandre un peu partout dans le monde. Le progrès dans la production semble ici avoir pour condition l'inflation des besoins du public, c'est-à-dire de la masse des consommateurs. Il faut donc stimuler les désirs, créer ce que l'on appelle des « motivations « pour élargir le marché. Un des meilleurs moyens consiste à forger une sorte d'archétype (1) du bonheur dans le bien-être matériel. Vue d'en haut, jugée dans son ensemble, la publicité est une immense orchestration de ce thème.    Il est d'ailleurs exploité aussi, sous des formes différentes mais voisines, par tous les moyens de diffusion massive (les mass-media, dans le jargon des sociologues américanisés), c'est-à-dire la presse à gros tirage (journaux et magazines), le cinéma, la radio, la télévision. Le but, ici, en dehors des séquences ou des pages franchement publicitaires, n'est évidemment pas de pousser à la consommation. Mais, plus ou moins consciemment la « culture de masse « répandue par ces organes invite à une conception du bonheur qui s'associe à celle du bien-être matériel, et, plus largement, à un style de vie qui privilégie les valeurs accessibles par des moyens techniques. «    Jean Cazeneuve, Bonheur et civilisation.    Vous ferez, à votre gré, soit un résumé, soit une analyse de ce texte. Puis, vous choisirez, parmi les affirmations de l'auteur, cell< qui vous paraît la plus intéressante, vous la commenterez et éventuellement, la discuterez.

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