BALLADE À LA LUNE. MUSSET
Publié le 12/08/2011
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C'était, dans la nuit brune, Sur le clocher jauni, La lune, Comme un point sur un i. Lune, quel esprit sombre Promène au bout d'un fil, Dans l'ombre, Ta face et ton profil? Es-tu l'oeil du ciel borgne? Quel chérubin cafard Nous lorgne Sous ton masque blafard? N'es-tu rien qu'une boule? Qu'un grand faucheux bien gras Qui roule Sans pattes et sans bras? Es-tu, je t'en soupçonne, Le vieux cadran de fer Qui sonne L'heure aux damnés d'enfer? Qui t'avait éborgnée L'autre nuit? T'étais-tu Cognée A quelque arbre pointu? Car tu vins, pâle et morne Coller sur mes carreaux Ta corne A travers les barreaux. Lune, en notre mémoire De tes belles amours L'histoire T'embellira toujours. Et toujours rajeunie, Tu seras du passant Bénie Pleine lune ou croissant. T'aimera le vieux pâtre, Seul, tandis qu'à ton front D'albâtre Ses dogues aboieront. T'aimera le pilote Dans son grand bâtiment, Qui flotte, Sous le clair firmament. Et la fillette preste Qui passe le buisson Pied leste En chantant sa chanson. Comme un ours à la chaîne, Toujours sous tes yeux bleus Se traîne L'océan montueux. Et qu'il vente ou qu'il neige, Moi-même chaque soir, Que fais-je? Venant ici m'asseoir? Je viens voir à la brune, Sur le clocher jauni La lune Comme un point sur un i.
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