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Ave-Maria ajouta: Avant quarante minutes, nous coulons, ù était cette voie d'eau?

Publié le 30/10/2013

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Ave-Maria ajouta: Avant quarante minutes, nous coulons, ù était cette voie d'eau? on ne la voyait pas. Elle était noyée. Le volume d'eau qui emplissait la cale cachait cette fissure. e navire avait un trou au ventre, quelque part, sous la flottaison, fort avant sous la carène. mpossible de l'apercevoir. Impossible de le boucher. On avait une plaie et l'on ne pouvait la panser. L'eau, du reste, 'entrait pas très vite. e chef cria: l faut pomper. aldeazun répondit: ous n'avons plus de pompe. lors, repartit le chef, gagnons la terre. ù, la terre? e ne sais. VII. LA RESSOURCE DERNIÈRE 3 'homme Qui Rit i moi. ais elle est quelque part. ui. ue quelqu'un nous y mène, reprit le chef. ous n'avons pas de pilote, dit Galdeazun. rends la barre, toi. ous n'avons plus de barre. âclons-en une avec la première poutre venue. Des clous. Un marteau. Vite des outils! a baille de charpenterie est à l'eau. Nous n'avons plus d'outils. ouvernons tout de même, n'importe où! ous n'avons plus de gouvernail. ù est le canot? Jetons nous-y. Ramons! ous n'avons plus de canot, amons sur l'épave. ous n'avons plus d'avirons. la voile alors! ous n'avons plus de voile, et plus de mât. aisons un mât avec une hiloire, faisons une voile avec un prélart. Tirons-nous de là. Confions-nous au vent! Il n'y a plus de vent. Le vent en effet les avait quittés. La tempête s'en était allée, et ce départ, qu'ils avaient pris pour leur salut, était leur perte. Le suroit en persistant les eût frénétiquement poussés quelque rivage, eût gagné de vitesse la voie d'eau, les eût ortés peut-être à un bon banc de sable propice, et les eût échoués avant qu'ils eussent sombré. Le rapide emportement e l'orage eût pu leur faire prendre terre. Point de vent, plus d'espoir. Ils mourraient de l'absence d'ouragan. a situation suprême apparaissait. e vent, la grêle, la bourrasque, le tourbillon, sont des combattants désordonnés qu'on peut vaincre. La tempête peut être prise au défaut de l'armure. On a des ressources contre la violence qui se découvre sans cesse, se meut à faux, et rappe souvent à côté. Mais rien à faire contre le calme. Pas un relief qu'on puisse saisir. XVII. LA RESSOURCE DERNIÈRE 74 L'homme Qui Rit Les vents sont une attaque de cosaques; tenez bon, cela se disperse. Le calme, c'est la tenaille du bourreau. L'eau, sans hâte, mais sans interruption, irrésistible et lourde, montait dans la cale, et, à mesure qu'elle montait, le navire descendait. Cela était très lent. Les naufragés de la Matutina sentaient peu à peu s'entr'ouvrir sous eux la plus désespérée des catastrophes, la atastrophe inerte. La certitude tranquille et sinistre du fait inconscient les tenait. L'air n'oscillait pas, la mer ne bougeait as. L'immobile, c'est l'inexorable. L'engloutissemenl les résorbait en silence. A travers l'épaisseur de l'eau muette, sans olère, sans passion, sans le vouloir, sans le savoir, sans y prendre intérêt, le fatal centre du globe les attirait. L'horreur, au epos, se les amalgamait. Ce n'était plus la gueule béante du flot, la double mâchoire du coup de vent et du coup de mer, échamment menaçante, le rictus de la trombe, l'appétit écumant de la houle; c'était sous ces misérables on ne sait quel âillement noir de l'infini. Ils se sentaient entrer dans une profondeur paisible qui était la mort. La quantité de bord que le avire avait hors du flot s'amincissait, voilà tout. On pouvait calculer à quelle minute elle s'effacerait. C'était tout le contraire de la submersion par la marée montante. L'eau ne montait pas vers eux, ils descendaient vers elle. Le creusement de leur tombe venait d'eux-mêmes. Leur poids était le fossoyeur. Ils étaient exécutés, non par la loi des hommes, mais par la loi des choses. La neige tombait, et, comme l'épave ne remuait plus, cette charpie blanche faisait sur le pont une nappe et couvrait le navire d'un suaire, La cale allait s'alourdissant. Nul moyen de franchir la voie d'eau. Ils n'avaient pas même une pelle d'épuisement, qui 'ailleurs eût été illusoire et d'un emploi impraticable, l'ourque étant pontée. On s'éclaira; on alluma trois ou quatre torches qu'on planta dans des trous et comme on put. Galdeazun apporta quelques vieux seaux de cuir; ils entreprirent d'étancher la cale et firent la chaîne; mais les seaux étaient hors de service, le cuir des uns était décousu, le fond des autres était crevé, et les seaux se vidaient en chemin. L'inégalité était dérisoire entre ce qu'on recevait et ce qu'on rendait. Une tonne d'eau entrait, un verre d'eau sortait. On n'eut pas d'autre réussite. C'était une dépense d'avare essayant d'épuiser sou sou un million. Le chef dit: Allégeons l'épave! Pendant la tempête on avait amarré les quelques coffres qui étaient sur le pont. Ils étaient restés liés au tronçon du mât. On défit les amarres, et on roula les coffres à l'eau par une des brèches du bordage. Une de ces valises appartenait à la femme basquaise qui ne put retenir ce soupir: Oh! ma cape neuve doublée d'écarlate! oh! mes pauvres bas en dentelle 'écorce de bouleau! Oh! mes pendeloques d'argent pour aller à la messe du mois de Marie! e pont déblayé, restait la cabine. Elle était fort encombrée. Elle contenait, on s'en souvient, des bagages qui étaient aux assagers et des ballots qui étaient aux matelots. n prit les bagages, et on se débarrassa de tout ce chargement par la brèche du bordage. On retira les ballots, et on les poussa à l'océan. On acheva de vider la cabine. La lanterne, le chouquet, les barils, les sacs, les bailles et les charniers, la marmite avec la soupe, tout alla aux flots. XVII. LA RESSOURCE DERNIÈRE 75 L'homme Qui Rit On dévissa les écrous du fourneau de fer éteint depuis longtemps, on le descella, on le hissa sur le pont, on le traîna jusqu'à la brèche, et on le précipita hors du navire. On envoya à l'eau tout ce qu'on put arracher du vaigrage, des porques, des haubans et du gréement fracassé. De temps en temps le chef prenait une torche, la promenait sur les chiffres d'étiage peints à l'avant du navire, et regardait o en était le naufrage. XVIII. LA RESSOURCE SUPRÊME L'épave, allégée, s'enfonçait un peu moins, mais s'enfonçait toujours. Le désespoir de la situation n'avait plus ni ressource, ni palliatif. On avait épuisé le dernier expédient. a-t-il encore quelque chose à jeter à la mer? cria le chef. e docteur, auquel personne ne songeait plus, sortit d'un angle du capot de cabine, et dit: Oui. uoi? demanda le chef. e docteur répondit: Notre crime. Il y eut un frémissement, et tous crièrent: men. e docteur, debout et blême, leva un doigt vers le ciel, et dit: A genoux. Ils chancelaient, ce qui est le commencement de l'agenouillement. Le docteur reprit: Jetons à la mer nos crimes. Ils pèsent sur nous. C'est là ce qui enfonce le navire. Ne songeons plus au sauvetage, songeons au salut. Notre dernier crime surtout, celui que nous avons commis, ou, pour mieux dire, complété tout à l'heure, misérables qui m'écoutez, il nous accable. C'est une insolence impie de tenter l'abîme quand on a l'intention d'un meurtre derrière soi. Ce qui est fait contre un enfant est fait contre Dieu. Il fallait s'embarquer, je le sais, mais c'était la perdition certaine. La tempête, avertie par l'ombre que notre action a faite, est venue. C'est bien. Du reste, ne regrettez rien. Nous avons là, pas loin de nous, dans cette obscurité, les sables de Vauville et le cap de la Hougue. C'est la France. Il n'y avait qu'un abri possible, l'Espagne. La France ne nous est pas moins dangereuse que l'Angleterre. Notre délivrance de la mer eût abouti au gibet. Ou pendus, ou noyés, nous n'avions pas d'autre option. Dieu a choisi pour nous. Rendons-lui grâce. Il nous accorde la tombe qui lave. Mes frères, l'inévitable était là. Songez que c'est nous qui tout à l'heure avons fait notre possible pour envoyer là-haut quelqu'un, cet enfant, et qu'en ce moment-ci même, à l'instant où je parle, il y a peut-être au-dessus de nos têtes une âme qui nous accuse devant un juge qui nous regarde. Mettons à profit le sursis suprême. Efforçons-nous, si cela se peut encore, de réparer, dans tout ce qui dépend XVIII. LA ESSOURCE SUPRÊME 6 'homme Qui Rit e nous, le mal que nous avons fait. Si l'enfant nous survit, venons-lui en aide. S'il meurt, tâchons qu'il nous pardonne. tons de dessus nous notre forfait. Déchargeons de ce poids nos consciences. Tâchons que nos âmes ne soient pas englouties devant Dieu, car c'est le naufrage terrible. Les corps vont aux poissons, les âmes aux démons. Ayez pitié de vous. A genoux, vous dis-je. Le repentir, c'est la barque qui ne se submerge pas. Vous n'avez plus de boussole? Erreur. Vous avez la prière. Ces loups devinrent moutons. Ces transformations se voient dans l'angoisse. Il arrive que les tigres lèchent le crucifix. Quand la porte sombre s'entrebâille, croire est difficile, ne pas croire est impossible. Si imparfaites que soient les diverses ébauches de religion essayées par l'homme, même quand la croyance est informe, même quand le contour du dogme ne s'adapte point aux linéaments de l'éternité entrevue, il y a, à la minute suprême, un tressaillement d'âme. Quelque chose commence après la vie. Cette pression est sur l'agonie. L'agonie est une échéance. A cette seconde fatale, on sent sur soi la responsabilité diffuse. Ce qui a été complique ce qui sera. Le passé revient et rentre dans l'avenir. Le connu devient abîme aussi bien que l'inconnu, et ces deux précipices, l'un où l'on a ses fautes, l'autre où l'on a son attente, mêlent leur réverbération. C'est cette confusion des deux gouffres qui épouvante le mourant. Ils avaient fait leur dernière dépense d'espérance du côté de la vie. C'est pourquoi ils se tournèrent de l'autre côté. Il ne leur restait plus de chance que dans cette ombre. Ils le comprirent. Ce fut un éblouissement lugubre, tout de suite suivi d'une rechute d'horreur. Ce que l'on comprend dans l'agonie ressemble à ce qu'on aperçoit dans l'éclair. Tout, puis rien. On voit, et l'on ne voit plus. Après la mort, l'oeil se rouvrira, et ce qui a été un éclair deviendra un soleil. Ils crièrent au docteur: Toi! toi! il n'y a plus que toi. Nous t'obéirons. Que faut-il faire? parle. Le docteur répondit: Il s'agit de passer par-dessus le précipice inconnu et d'atteindre l'autre bord de la vie, qui est au delà du tombeau. Étant celui qui sait le plus de choses, je suis le plus en péril de vous tous. Vous faites bien de laisser le choix du pont celui qui porte le fardeau le plus lourd. Il ajouta: La science pèse sur la conscience. Puis il reprit; Combien de temps nous reste-t-il encore? Galdeazun regarda à l'étiage et répondît: Un peu plus d'un quart d'heure. Bien dit le docteur. Le toit bas du capot, où il s'accoudait, faisait une espèce de table. Le docteur prit dans sa poche son écritoire et sa plume, et son portefeuille d'où il tira un parchemin, le même sur le revers duquel il avait écrit, quelques heures auparavant, une vingtaine de lignes tortueuses et serrées. XVIII. LA RESSOURCE SUPRÊME 77 L'homme Qui Rit De la lumière, dit-il. La neige, tombant comme une écume de cataracte, avait éteint les torches l'une après l'autre. Il n'en restait plus qu'une. ve-Maria la déplanta, et vint se placer debout, tenant cette torche, à côté du docteur. Le docteur remit son portefeuille dans sa poche, posa sur le capot la plume et l'encrier, déplia le parchemin, et dit: coutez. lors, au milieu de la mer, sur ce ponton décroissant, sorte de plancher tremblant du tombeau, commença, gravement faite par le docteur, une lecture que toute l'ombre semblait écouter. Tous ces condamnés baissaient la tête autour de lui. Le flamboiement de la torche accentuait leurs pâleurs. Ce que lisait le docteur était écrit en anglais. Par intervalles, quand un de ces regards lamentables paraissait désirer un éclaircissement, le docteur s'interrompait et répétait, soit en français, soit en espagnol, soit en basque, soit en italien, le passage qu'il venait de lire. On entendait des sanglots étouffés et des oups sourds frappés sur les poitrines. L'épave continuait de s'enfoncer. a lecture achevée, le docteur posa le parchemin à plat sur le capot, saisit la plume, et, sur une marge blanche ménagée u bas de ce qu'il avait écrit, il signa: OCTOR GERHARDUS GEESTEMUNDE. uis, se tournant vers les autres, il dit: enez, et signez.

« contraire delasubmersion parlamarée montante.

L'eaunemontait pasvers eux, ilsdescendaient verselle.

Le creusement deleur tombe venaitd'eux−mêmes.

Leurpoids étaitlefossoyeur. Ils étaient exécutés, nonparlaloi des hommes, maisparlaloi des choses. La neige tombait, et,comme l'épaveneremuait plus,cette charpie blanche faisaitsurlepont unenappe etcouvrait le navire d'unsuaire, La cale allait s'alourdissant.

Nulmoyen defranchir lavoie d'eau.

Ilsn'avaient pasmême unepelle d'épuisement, qui d'ailleurs eûtétéillusoire etd'un emploi impraticable, l'ourqueétantpontée.

Ons'éclaira; onalluma troisouquatre torches qu'onplanta dansdestrous etcomme onput.

Galdeazun apportaquelques vieuxseaux decuir; ilsentreprirent d'étancher lacale etfirent lachaîne; maislesseaux étaient horsdeservice, lecuir desuns était décousu, lefond des autres étaitcrevé, etles seaux sevidaient enchemin. L'inégalité étaitdérisoire entrecequ'on recevait etce qu'on rendait.

Unetonne d'eauentrait, unverre d'eau sortait.

On n'eut pasd'autre réussite.

C'étaitunedépense d'avareessayant d'épuiser sousouunmillion. Le chef dit: Allégeons l'épave! Pendant latempête onavait amarré lesquelques coffresquiétaient surlepont.

Ilsétaient restésliésautronçon dumât. On défit lesamarres, eton roula lescoffres àl'eau parune desbrèches dubordage.

Unedeces valises appartenait àla femme basquaise quineput retenir cesoupir: Oh!macape neuve doublée d'écarlate! oh!mes pauvres basendentelle d'écorce debouleau! Oh!mes pendeloques d'argentpouralleràla messe dumois deMarie! Le pont déblayé, restaitlacabine.

Elleétait fortencombrée.

Ellecontenait, ons'en souvient, desbagages quiétaient aux passagers etdes ballots quiétaient auxmatelots. On prit lesbagages, eton sedébarrassa detout cechargement parlabrèche dubordage. On retira lesballots, eton les poussa àl'océan. On acheva devider lacabine.

Lalanterne, lechouquet, lesbarils, lessacs, lesbailles etles charniers, lamarmite avecla soupe, toutallaaux flots. XVII.

LARESSOURCE DERNIÈRE 75 L'homme QuiRit On dévissa lesécrous dufourneau defer éteint depuis longtemps, onledescella, onlehissa surlepont, onletraîna jusqu'à labrèche, eton leprécipita horsdunavire. On envoya àl'eau toutcequ'on putarracher duvaigrage, desporques, deshaubans etdu gréement fracassé. De temps entemps lechef prenait unetorche, lapromenait surleschiffres d'étiage peintsàl'avant dunavire, etregardait o en était lenaufrage. XVIII. LARESSOURCE SUPRÊME L'épave, allégée,s'enfonçait unpeu moins, maiss'enfonçait toujours. Le désespoir delasituation n'avaitplusniressource, nipalliatif.

Onavait épuisé ledernier expédient. Y a−t−il encore quelque choseàjeter àla mer? crialechef. Le docteur, auquelpersonne nesongeait plus,sortit d'unangle ducapot decabine, etdit: Oui. Quoi? demanda lechef. Le docteur répondit: Notre crime. Il yeut unfrémissement, ettous crièrent: Amen. Le docteur, deboutetblême, levaundoigt versleciel, etdit: A genoux. Ils chancelaient, cequi estlecommencement del'agenouillement. Le docteur reprit: Jetons àla mer noscrimes.

Ilspèsent surnous.

C'estlàce qui enfonce lenavire.

Nesongeons plusausauvetage, songeons au salut.

Notre dernier crimesurtout, celuiquenous avons commis, ou,pour mieux dire,complété toutàl'heure, misérables quim'écoutez, ilnous accable.

C'estuneinsolence impiedetenter l'abîme quandonal'intention d'unmeurtre derrière soi.Cequi estfait contre unenfant estfait contre Dieu.Ilfallait s'embarquer, jelesais, mais c'était laperdition certaine.

Latempête, avertieparl'ombre quenotre action afaite, estvenue.

C'estbien.

Dureste, neregrettez rien.Nous avons là,pas loin denous, danscette obscurité, lessables deVauville etlecap delaHougue.

C'estlaFrance.

Iln'y avait qu'un abripossible, l'Espagne.

LaFrance nenous estpas moins dangereuse quel'Angleterre.

Notredélivrance delamer eût abouti augibet.

Oupendus, ounoyés, nousn'avions pasd'autre option.Dieuachoisi pournous.

Rendons−lui grâce.Il nous accorde latombe quilave.

Mesfrères, l'inévitable étaitlà.Songez quec'est nous quitout àl'heure avonsfaitnotre possible pourenvoyer là−hautquelqu'un, cetenfant, etqu'en cemoment−ci même,àl'instant oùjeparle, ilya peut−être au−dessus denos têtes uneâme quinous accuse devant unjuge quinous regarde.. »

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