ARTHUR RIMBAUD (1854-1891). Le dormeur du val

Il n'est pas de vie plus singulière et plus déconcertante que celle d'Arthur Rimbaud. Dès l'âge de quinze ans, il compose et publie des vers ; à vingt ans, il renonce à la poésie, irrévocablement. Devenu explorateur et négociant colonial, il voyage aux Indes, en Égypte, en Éthiopie; il revient mourir à l'hôpital de Marseille, à trente-sept ans. — Son œuvre précoce est remarquable par une vigueur de sentiments qui va parfois jusqu'à la brutalité, et par un style d'une couleur éblouissante. Mais nous avouons ne pas tout comprendre dans les Illuminations, et surtout dans Une saison en enfer.

Le dormeur du val.

Rimbaud a publié ces vers, un « croquis de guerre «, en novembre 1870, dans le Progrès des Ardennes.

C'est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent, où le soleil, de la montagne fière, Luit ; c'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, 5 Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort : il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son Ut vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme. 10 Nature, berce-le chaudement : il a froid ! Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; Il dort dans le soleil la main sur la poitrine, Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

(Poésies, Société du Mercure de France.)

QUESTIONS D'EXAMEN

I. — L'ensemble. — Un croquis delà guerre de 1870, nous montrant un jeune soldat tombé auprès d'un ruisseau. 1° D'où provient le caractère dramatique de ce petit tableau? a) Contraste entre ce décor de paix joyeuse et cette vision de guerre; — b) Impression de plus en plus angoissante, à mesure que se poursuit la lecture du morceau, que le « dormeur du val « n'est pas seulement endormi, mais qu'il est mort) ; 2° Cette scène n'est-elle pas remarquable par la couleur? (à développer).

II. — L'analyse du morceau. — Distinguez les diverses parties de cette poésie : a) le cadre; b) le « dormeur «. a) Le cadre. — 1° Indiquez-en les éléments, en insistant sur la fraîcheur, la joie, la vie exubérante du paysage; 2° Quels sont, pensez-vous, les haillons d'argent que la rivière accroche aux herbes? 3° cadre est surtout indiqué dans la première strophe. Ne rencontrez-vous pas dans les autres strophes quelques indications permettant de le préciser? 4° Expliquez l'expression : c'est un petit val qui mousse de rayons. b) Le « dormeur du val «. — i° Indiquez la position du « dormeur «, son costume, son attitude; 2° Relevez les termes qui, dans ces trois dernières strophes, peuvent nous laisser croire que ce jeune soldat n'est qu'endormi; 3° Signalez, au contraire, les expressions inquiétantes qui nous donnent le pressentiment qu'il est mort ; 4° Quel est le trait qui nous apporte enfin la certitude qu'il est mort? 5° Quelle est l'expression de ce jeune soldat dans la mort? (cette mort ressemble à un sommeil..., il dort souriant..., tranquille...) ; 6° Pourquoi a-t-il la main sur la poitrine?

III. — Le style; — les expressions.— 1° Insistez sur la couleur de ce morceau, son pittoresque, sa concision; 2° Citez un exemple de rejet, d'enjambement, 3° trois vers offrent des exemples de contraste voulu : citez-les ; 4° Expliquez les expressions : cresson bleu ; où chante une rivière ; la lumière pleut; 5° Citez quelques mots de la famille de val, de somme.

IV. — Grammaire. — 1° Quelle est la fonction de montagne (3e vers de la ire strophe)? 2° Distinguez les propositions contenues dans la 3 e strophe. Rédaction. — Il vous est arrivé, au cours de voyages, de visiter un lieu historique où s'est déroulée une bataille. Rappelez le souvenir qu'il évoque et dites quelles ont été vos impressions.