(Ancien sous-officier de l'armée d'Afrique, Georges Duroy mène à Paris, vers 1885, une vie pauvre et médiocre. Un espoir s'offre à lui, devenir journaliste, mais il lui faut, pour cela, rédiger un article sur ses souvenirs d'Algérie.)
Publié le 31/03/2011
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Il trempa sa plume dans l'encre et écrivit en tête, de sa plus belle écriture : Souvenirs d'un chasseur d'Afrique. Puis il chercha le commencement de la première phrase. Il restait le front dans sa main, les yeux fixés sur le carré blanc déployé devant lui. Qu'allait-il dire ? Il ne trouvait plus rien maintenant de ce qu'il avait raconté tout à l'heure, pas une anecdote, pas un fait, rien. Tout à coup, il pensa : « Il faut que je débute par mon départ. « Et il écrivit : « C'était en 1874, aux environs du 15 mai, alors que la France épuisée se reposait après les catastrophes de l'année terrible... « Et il s'arrêta net, ne sachant comment amener ce qui suivrait, son embarquement, son voyage, ses premières émotions. Après dix minutes de réflexion il se décida à remettre au lendemain la page préparatoire du début, et à faire tout de suite une description d'Alger. Et il traça sur son papier : « Alger est une ville toute blanche... « sans parvenir à énoncer autre chose. Il revoyait en souvenir la jolie cité claire, dégringolant, comme une cascade de maisons plates, du haut de sa montagne dans la mer, mais il ne trouvait plus un mot pour exprimer ce qu'il avait vu, ce qu'il avait senti. Après un grand effort, il ajouta : « Elle est habitée en partie par des Arabes... « Puis il jeta sa plume sur la table et se leva. Sur son petit lit de fer, où la place de son corps avait fait un creux, il aperçut ses habits de tous les jours jetés là, vides, fatigués, flasques, vilains comme des hardes de la Morgue. Et, sur une chaise de paille, son chapeau de soie, son unique chapeau semblait ouvert pour recevoir l'aumône. Ses murs, tendus d'un papier gris à bouquets bleus, avaient autant de taches que de fleurs, des taches anciennes, suspectes, dont on n'aurait pu dire la nature, bêtes écrasées ou gouttes d'huile, bouts de doigts graissés de pommade ou écume de la cuvette projetée pendant les lavages. Cela sentait la misère honteuse, la misère en garni de Paris. Et une exaspération le souleva contre la pauvreté de sa vie. Il se dit qu'il fallait sortir de là, tout de suite, qu';l fallait en finir dès le lendemain avec cette existence besogneuse. Guy de Maupassant, Bel Ami, 1885. Vous ferez de ce texte un commentaire composé, que vous organiserez à votre gré. Vous pourrez, par exemple, mettre en évidence, par une étude de l'expression, l'évocation de la misère, l'espoir qui se présente au personnage et la difficulté insurmontable de l'écriture.
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