Devoir de Philosophie

- Ah !

Publié le 04/11/2013

Extrait du document

- Ah ! madame, dit le jeune huguenot avec un accent de reproche plus triste qu'amer, vous me trahissez algré votre promesse, c'est mal. Que diriez vous si je me vengeais en disant... - Vous ne vous vengerez pas, de Mouy, interrompit Henri en serrant la main du jeune homme, ou du moins ous m'écouterez auparavant. Madame, continua Henri en s'adressant à la reine, veillez, je vous prie, à ce que personne ne nous écoute. Henri achevait à peine ces mots, que Gillonne arriva tout effarée et dit à l'oreille de Marguerite quelques mots qui la firent bondir de son siège. Pendant qu'elle courait vers l'antichambre avec Gillonne, Henri, sans s'inquiéter de la cause qui l'appelait hors de l'appartement, visitait le lit, la ruelle, les tapisseries et sondait du oigt les murailles. Quant à M. de Mouy, effarouché de tous ces préambules, il s'assurait préalablement que son pée ne tenait pas au fourreau. Marguerite, en sortant de sa chambre à coucher, s'était élancée dans l'antichambre et s'était trouvée en face e La Mole, lequel, malgré toutes les prières de Gillonne, voulait à toute force entrer chez Marguerite. Coconnas se tenait derrière lui, prêt à le pousser en avant ou à soutenir la retraite. - Ah ! c'est vous, monsieur de la Mole, s'écria la reine ; mais qu'avez-vous donc, et pourquoi êtes-vous aussi pâle et tremblant ? - Madame, dit Gillonne, M. de La Mole a frappé à la porte de telle sorte que, malgré les ordres de Votre Majesté, j'ai été forcée de lui ouvrir. - Oh ! oh ! qu'est-ce donc que cela ? dit sévèrement la reine ; est-ce vrai ce qu'on me dit là, monsieur de la Mole ? - Madame, c'est que je voulais prévenir Votre Majesté qu'un étranger, un inconnu, un voleur peut-être, s'était introduit chez elle avec mon manteau et mon chapeau. - Vous êtes fou, monsieur, dit Marguerite, car je vois votre manteau sur vos épaules, et je crois, Dieu me pardonne, que je vois aussi votre chapeau sur votre tête lorsque vous parlez à une reine. - Oh ! pardon, madame, pardon ! s'écria La Mole en se découvrant vivement, ce n'est cependant pas, Dieu m'en est témoin, le respect qui me manque. - Non, c'est la foi, n'est-ce pas ? dit la reine. - Que voulez-vous ! s'écria La Mole ; quand un homme est chez Votre Majesté, quand il s'y introduit en prenant mon costume, et peut-être mon nom, qui sait ?... - Un homme ! dit Marguerite en serrant doucement le bras du pauvre amoureux ; un homme ! ... Vous êtes modeste, monsieur de la Mole. Approchez votre tête de l'ouverture de la tapisserie, et vous verrez deux hommes. Et Marguerite entrouvrit en effet la portière de velours brodé d'or, et La Mole reconnut Henri causant avec l'homme au manteau rouge ; Coconnas, curieux comme s'il se fût agi de lui-même, regarda aussi, vit et reconnut de Mouy ; tous deux demeurèrent stupéfaits. - Maintenant que vous voilà rassuré, à ce que j'espère du moins, dit Marguerite, placez-vous à la porte de mon appartement, et, sur votre vie, mon cher La Mole, ne laissez entrer personne. S'il approche quelqu'un du palier même, avertissez. La Mole, faible et obéissant comme un enfant, sortit en regardant Coconnas, qui le regardait aussi, et tous deux se trouvèrent dehors sans être bien revenus de leur ébahissement. - de Mouy ! s'écria Coconnas. - Henri ! murmura La Mole. - de Mouy avec ton manteau cerise, ta plume blanche et ton bras en balancier. - Ah çà, mais... reprit La Mole, du moment qu'il ne s'agit pas d'amour il s'agit certainement de complot. - Ah ! mordi ! nous voilà dans la politique, dit Coconnas en grommelant. Heureusement que je ne vois point dans tout cela madame de Nevers. Marguerite revint s'asseoir près des deux interlocuteurs ; sa disparition n'avait duré qu'une minute, et elle avait bien utilisé son temps. Gillonne, en vedette au passage secret, les deux gentilshommes en faction à l'entrée principale, lui donnaient toute sécurité. - Madame, dit Henri, croyez-vous qu'il soit possible, par un moyen quelconque, de nous écouter et de nous entendre ? - Monsieur, dit Marguerite, cette chambre est matelassée, et un double lambris me répond de son assourdissement. - Je m'en rapporte à vous, répondit Henri en souriant. Puis se retournant vers de Mouy : - Voyons, dit le roi à voix basse et comme si, malgré l'assurance de Marguerite, ses craintes ne s'étaient pas entièrement dissipées, que venez-vous faire ici ? - Ici ? dit de Mouy. - Oui, ici, dans cette chambre, répéta Henri. - Il n'y venait rien faire, dit Marguerite ; c'est moi qui l'y ai attiré. - Vous saviez donc ?... - J'ai deviné tout. - Vous voyez bien, de Mouy, qu'on peut deviner. - Monsieur de Mouy, continua Marguerite, était ce matin avec le duc François dans la chambre de deux de ses gentilshommes. - Vous voyez bien, de Mouy, répéta Henri, qu'on sait tout. - C'est vrai, dit de Mouy. - J'en étais sûr, dit Henri, que M. d'Alençon s'était emparé de vous. - C'est votre faute, Sire. Pourquoi avez-vous refusé si obstinément ce que je venais vous offrir ? - Vous avez refusé ! s'écria Marguerite. Ce refus que je pressentais était donc réel ? - Madame, dit Henri secouant la tête, et toi, mon brave de Mouy, en vérité vous me faites rire avec vos exclamations. Quoi ! un homme entre chez moi, me parle de trône, de révolte, de bouleversement, à moi, à moi Henri, prince toléré pourvu que je porte le front humble, huguenot épargné à la condition que je jouerai le catholique, et j'irais accepter quand ces propositions me sont faites dans une chambre non matelassée et sans double lambris ! Ventre-saint-gris ! vous êtes des enfants ou des fous ! - Mais, Sire, Votre Majesté ne pouvait-elle me laisser quelque espérance, sinon par ses paroles, du moins par un geste, par un signe ? - Que vous a dit mon beau-frère, de Mouy ? demanda Henri. - Oh ! Sire, ceci n'est point mon secret. - Eh ! mon Dieu, reprit Henri avec une certaine impatience d'avoir affaire à un homme qui comprenait si mal ses paroles, je ne vous demande pas quelles sont les propositions qu'il vous a faites, je vous demande seulement s'il écoutait, s'il a entendu. - Il écoutait, Sire, et il a entendu. - Il écoutait, et il a entendu ! Vous le dites vous-même, de Mouy. Pauvre conspirateur que vous êtes ! si j'avais dit un mot, vous étiez perdu. Car je ne savais point, je me doutais, du moins, qu'il était là, et, sinon lui, quelque autre, le duc d'Anjou, Charles IX, la reine mère ; vous ne connaissez pas les murs du Louvre, de Mouy ; c'est pour eux qu'a été fait le proverbe que les murs ont des oreilles ; et connaissant ces murs-là j'eusse parlé ! Allons, allons, de Mouy, vous faites peu d'honneur au bon sens du roi de Navarre, et je m'étonne que, ne le mettant pas plus haut dans votre esprit, vous soyez venu lui offrir une couronne. - Mais, Sire, reprit encore de Mouy, ne pouviez-vous, tout en refusant cette couronne, me faire un signe ? Je n'aurais pas cru tout désespéré, tout perdu. - Eh ventre-saint-gris ! s'écria Henri, s'il écoutait, ne pouvait-il pas aussi bien voir, et n'est-on pas perdu par un signe comme par une parole ? Tenez, de Mouy, continua le roi en regardant autour de lui, à cette heure, si près de vous que mes paroles ne franchissent pas le cercle de nos trois chaises, je crains encore d'être entendu quand je dis : de Mouy, répète-moi tes propositions. - Mais, Sire, s'écria de Mouy au désespoir, maintenant je suis engagé avec M. d'Alençon. Marguerite frappa l'une contre l'autre et avec dépit ses deux belles mains. - Alors, il est donc trop tard ? dit-elle. - Au contraire, murmura Henri, comprenez donc qu'en cela même la protection de Dieu est visible. Reste engagé, de Mouy, car ce duc François c'est notre salut à tous. Crois-tu donc que le roi de Navarre garantirait vos têtes ? Au contraire, malheureux ! Je vous fais tuer tous jusqu'au dernier, et cela sur le moindre soupçon. Mais un fils de France, c'est autre chose ; aie des preuves, de Mouy, demande des garanties ; mais, niais que tu es, tu te seras engagé de coeur, et une parole t'aura suffi. - Oh ! Sire ! c'est le désespoir de votre abandon, croyez-le bien, qui m'a jeté dans les bras du duc ; c'est aussi la crainte d'être trahi, car il tenait notre secret. - Tiens donc le sien à ton tour, de Mouy, cela dépend de toi. Que désire-t-il ? Être roi de Navarre ? prometslui la couronne. Que veut-il ? Quitter la cour ? fournis-lui les moyens de fuir, travaille pour lui, de Mouy, comme si tu travaillais pour moi, dirige le bouclier pour qu'il pare tous les coups qu'on nous portera. Quand il faudra fuir, nous fuirons à deux ; quand il faudra combattre et régner, je régnerai seul. - Défiez-vous du duc, dit Marguerite, c'est un esprit sombre et pénétrant, sans haine comme sans amitié, toujours prêt à traiter ses amis en ennemis et ses ennemis en amis. - Et, dit Henri, il vous attend, de Mouy ? - Oui, Sire. - Où cela ? - Dans la chambre de ses deux gentilshommes. - À quelle heure ? - Jusqu'à minuit. - Pas encore onze heures, dit Henri ; il n'y a point de temps perdu, allez, de Mouy. - Nous avons votre parole, monsieur ? dit Marguerite. - Allons donc ! madame, dit Henri avec cette confiance qu'il savait si bien montrer avec certaines personnes et dans certaines occasions, avec M. de Mouy ces choses-là ne se demandent même point. - Vous avez raison, Sire, répondit le jeune homme ; mais moi j'ai besoin de la vôtre, car il faut que je dise aux chefs que je l'ai reçue. Vous n'êtes point catholique, n'est-ce pas ? Henri haussa les épaules. - Vous ne renoncez pas à la royauté de Navarre ?

« ses gentilshommes. – Vous voyez bien,deMouy, répétaHenri, qu’onsaittout. – C’est vrai,ditdeMouy. – J’en étais sûr,ditHenri, queM. d’Alençon s’étaitemparé devous. – C’est votre faute, Sire.Pourquoi avez-vous refusésiobstinément ceque jevenais vousoffrir ? – Vous avezrefusé ! s’écriaMarguerite.

Cerefus quejepressentais étaitdonc réel ? – Madame, ditHenri secouant latête, ettoi, mon brave deMouy, envérité vousmefaites rireavec vos exclamations.

Quoi !unhomme entrechezmoi, meparle detrône, derévolte, debouleversement, àmoi, àmoi Henri, princetolérépourvu quejeporte lefront humble, huguenot épargnéàla condition quejejouerai le catholique, etj’irais accepter quandcespropositions mesont faites dansunechambre nonmatelassée etsans double lambris ! Ventre-saint-gris ! vousêtesdesenfants oudes fous ! – Mais, Sire,Votre Majesté nepouvait-elle melaisser quelque espérance, sinonparsesparoles, dumoins par un geste, parunsigne ? – Que vous adit mon beau-frère, deMouy ? demanda Henri. – Oh ! Sire, cecin’est point monsecret. – Eh ! mon Dieu, reprit Henri avecunecertaine impatience d’avoiraffaireàun homme quicomprenait simal ses paroles, jene vous demande pasquelles sontlespropositions qu’ilvous afaites, jevous demande seulement s’il écoutait, s’ilaentendu. – Il écoutait, Sire,etilaentendu. – Il écoutait, etilaentendu ! Vousledites vous-même, deMouy.

Pauvre conspirateur quevous êtes ! si j’avais ditunmot, vous étiez perdu.

Carjene savais point,jeme doutais, dumoins, qu’ilétait là,et, sinon lui, quelque autre,leduc d’Anjou, CharlesIX,lareine mère ; vousneconnaissez paslesmurs duLouvre, deMouy ; c’est pour euxqu’a étéfait leproverbe quelesmurs ontdes oreilles ; etconnaissant cesmurs-là j’eusseparlé ! Allons, allons,deMouy, vousfaites peud’honneur aubon sens duroi deNavarre, etjem’étonne que,nele mettant pasplus haut dans votre esprit, voussoyez venuluioffrir unecouronne. – Mais, Sire,reprit encore deMouy, nepouviez-vous, toutenrefusant cettecouronne, mefaire unsigne ? Je n’aurais pascrutout désespéré, toutperdu. – Eh ventre-saint-gris ! s’écriaHenri, s’ilécoutait, nepouvait-il pasaussi bienvoir, etn’est-on pasperdu par un signe comme parune parole ? Tenez,deMouy, continua leroi enregardant autourdelui, àcette heure, si près devous quemes paroles nefranchissent paslecercle denos trois chaises, jecrains encore d’êtreentendu quand jedis : deMouy, répète-moi tespropositions. – Mais, Sire,s’écria deMouy audésespoir, maintenant jesuis engagé avecM. d’Alençon. Marguerite frappal’unecontre l’autre etavec dépit sesdeux belles mains. – Alors, ilest donc troptard ? dit-elle. – Au contraire, murmuraHenri,comprenez doncqu’en celamême laprotection deDieu estvisible.

Reste engagé, deMouy, carceduc François c’estnotre salutàtous.

Crois-tu doncqueleroi deNavarre garantirait vos têtes ? Aucontraire, malheureux ! Jevous faistuer tous jusqu’au dernier,etcela surlemoindre soupçon.

Mais un fils deFrance, c’estautre chose ; aiedes preuves, deMouy, demande desgaranties ; mais,niaisquetues, tu te seras engagé decœur, etune parole t’aurasuffi. – Oh ! Sire ! c’estledésespoir devotre abandon, croyez-lebien,quim’a jetédans lesbras duduc ; c’estaussi la crainte d’êtretrahi,cariltenait notresecret. – Tiens donclesien àton tour, deMouy, celadépend detoi.

Que désire-t-il ? ÊtreroideNavarre ? promets- lui lacouronne.

Queveut-il ? Quitterlacour ? fournis-lui lesmoyens defuir, travaille pourlui,deMouy, comme si tu travaillais pourmoi,dirige lebouclier pourqu’ilpare touslescoups qu’onnousportera.

Quandilfaudra fuir, nous fuirons àdeux ; quand ilfaudra combattre etrégner, jerégnerai seul. – Défiez-vous duduc, ditMarguerite, c’estunesprit sombre etpénétrant, sanshaine comme sansamitié, toujours prêtàtraiter sesamis enennemis etses ennemis enamis. – Et, ditHenri, ilvous attend, deMouy ? – Oui, Sire. – Où cela ? – Dans lachambre deses deux gentilshommes. – À quelle heure ? – Jusqu’à minuit. – Pas encore onzeheures, ditHenri ; iln’y apoint detemps perdu, allez,deMouy. – Nous avons votreparole, monsieur ? ditMarguerite. – Allons donc !madame, ditHenri aveccette confiance qu’ilsavait sibien montrer aveccertaines personnes et dans certaines occasions, avecM. de Mouy ceschoses-là nesedemandent mêmepoint. – Vous avezraison, Sire,répondit lejeune homme ; maismoij’aibesoin delavôtre, carilfaut quejedise aux chefs quejel’ai reçue.

Vousn’êtes pointcatholique, n’est-cepas ? Henri haussa lesépaules. – Vous nerenoncez pasàla royauté deNavarre ?. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓