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Abelard, Tome I Nupta querit ubi sit suus Palatinus Cujus totus extitit spiritus divinus, Querit cur se substrahat quasi peregrinus Quem ad sua ubera foverat et sinus.

Publié le 11/04/2014

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Abelard, Tome I Nupta querit ubi sit suus Palatinus Cujus totus extitit spiritus divinus, Querit cur se substrahat quasi peregrinus Quem ad sua ubera foverat et sinus. W. Mapes ou Gautier Map, archidiacre d'Oxford vers 1200, insère ces vers dans une pièce dirigée contre l'ignorance des moines. Il y décrit une sorte d'Elysée fantastique des savants et des lettrés, où il énumère et caractérise les beaux esprits du temps. C'est par ce quatrain et sans autre explication qu'il indique Héloïse, que l'on reconnaissait alors à ce nom nupta, l'abesse mariée. (The latin poems, etc., by Thomas Wright, Lond., 1841, pet. in-4.--Cf. Hist. litt., t, XV, p. XIV, 496.)] C'est, je le crois, dans l'intervalle qui s'écoula entre le moment où il devint abbé de Saint-Gildas et celui où nous le verrons rouvrir pour la dernière fois son école qu'Abélard composa ou retoucha ses principaux ouvrages. Le plus considérable est sa Dialectique si longtemps perdue pour la postérité, et qui, à l'originalité près, ressemble à la logique d'Aristote, qu'elle reproduit en partie sous les formes verbeuses de la scolastique. C'est le résumé de son enseignement philosophique adressé à Dagobert, son frère peut-être, ou du moins son frère spirituel. Peut-être y travailla-t-il à Saint-Gildas, s'il ne l'avait commencé à Saint-Denis; mais il l'acheva ou la revit plus tard. Ce qui est certain, c'est que l'ouvrage est d'une époque où il n'enseignait plus depuis longtemps déjà, et où la dialectique n'était pas en grande faveur auprès de ceux qui veillaient au gouvernement des esprits. Un écrit plus court, mais plus précieux, parce qu'il paraît beaucoup plus original, est un traité peu étendu Sur les genres et les espèces, monument le plus certain et le plus intéressant qui nous reste de la partie systématique des opinions d'Abélard. Si le conceptualisme est quelque part, il est là. On en retrouve l'esprit dans un petit traité sur les idées, resté longtemps inconnu (De intellectibus). Parmi ses écrits théologiques, le plus important paraît être celui qui fut brûlé à Soissons, ou, selon nous, l' Introduction à la théologie. On cite aussi un recueil de textes des Écritures et des Pères réunis méthodiquement et qui expriment le pour et le contre sur presque tous les points de la science sacrée, ouvrage singulier qui s'appelait le Oui et le Non (Sic et Non), et qui ne fut peut-être pas publié par son auteur. On se tromperait cependant, si l'on y cherchait un recueil d'antinomies destiné à établir le doute en matière de religion; c'est un ouvrage consacré à la controverse plutôt qu'au scepticisme. Les opinions exposées dans l'Introduction ont été de nouveau présentées et complétées dans un grand Commentaire de l'épître aux Romains, et dans la Théologie chrétienne, qui reproduit et développe la matière du premier ouvrage avec quelques remaniements et quelques amendements. Enfin, la morale théologique d'Abélard est exposée sous ce titre: Connais-toi toi-même (Scito te Ipsum). On lui attribue également une démonstration en forme de dialogue de la vérité du christianisme contre le judaïsme et la philosophie incrédule. Nous ne pensons pas nous tromper en disant que la plupart de ces traités[209] ne reçurent la dernière main qu'à une époque assez avancée de sa vie, quoiqu'ils contiennent des opinions de sa jeunesse, et qu'ils doivent abonder en raisonnements, en exemples, en expressions cent fois employés dans ses écrits de tous les temps et dans les improvisations de son enseignement oral. L'analogie des idées et des citations, l'identité des formes et du style, sont remarquables dans presque tous ces ouvrages. On retrouve sans cesse dans ses lettres des pensées qui rappellent sa philosophie ou sa théologie, et chose plus intéressante encore, les lettres d'Héloïse sont semées de maximes empruntées aux théories du maître de son esprit et de son coeur. Tout annonce que le temps qui sépara le jour où Abélard quitta la Bretagne de l'année 1140 fut pour lui animé et rempli par une grande activité intellectuelle et littéraire. Cependant cette période est dans sa vie une lacune assez obscure. On sait seulement qu'il reprit une dernière fois son enseignement public, et telle était sa vocation éminente pour cet emploi difficile de l'intelligence que vers 1136, c'est-à-dire à l'âge de cinquante-sept ans, il retrouvait la vogue de sa jeunesse. C'était à Paris, sur la montagne Sainte-Geneviève, un des premiers théâtres de ses succès, qu'il avait rouvert école de dialectique, et nous apprenons d'un de ses auditeurs. LIVRE PREMIER. 79 Abelard, Tome I [Note 209: Nous ne faisons ici que les nommer. Les deux derniers livres de cet ouvrage sont destinés à les faire connaître.] «J'étais tout jeune,» dit Jean de Salisbury, «lorsque je vins dans les Gaules pour y faire mes études. C'était l'année qui suivit celle où le roi des Anglais, Henri, Lion de Justice, quitta les choses humaines (1135). Je me rendis auprès du péripatéticien Palatin qui alors présidait sur la montagne Sainte-Geneviève, docteur illustre, admirable a tous. Là, à ses pieds, je reçus les premiers éléments de l'art dialectique, et suivant la mesure de mon faible entendement, je recueillis avec toute l'avidité de mon âme tout ce qui sortait de sa bouche. Puis, après son départ qui me parut trop prompt, je m'attachai au maître Albéric, qui excellait parmi les autres comme le dialecticien le plus réputé, et qui était effectivement l'adversaire le plus énergique de la secte des nominaux[210].» [Note 210: Johan. Saresb. Metalog., l. II, c. X, et Rec. des Hist., t. XIV, p. 304--Jean le Petit, de Salisbury, né, dit-on, on 1110, mais probablement plus tard, quitta l'Angleterre pour venir étudier en France. Il y suivit les maîtres les plus célèbres, Abélard, Albéric, Robert de Melun, Guillaume de Conches, Adam du Petit-Pont, Gilbert dela Porrée, etc., et il nous a laissé de précieux détails sur les écoles de son temps. Il retourna en Angleterre en 1161, remplit de nombreuses missions en Italie, fut appelé en 1170 à l'évêché de Chartres, et mourut le 25 octobre 1180. (Hist. litt., t. XIV, p. 89.)] Ainsi peu de temps après ce dernier enseignement, et pour une cause inconnue, Abélard suspendit ses leçons; mais en reformant son école, il avait ravivé son influence et sa renommée. Aussitôt devait se redresser contre lui la vigilance hostile qu'il avait constamment rencontrée. L'éclat de ses leçons devait accroître encore la curiosité qui s'attachait à ses écrits théologiques; et suivant d'assez bonnes autorités, ce fut le moment où après les avoir achevés, il leur donna le plus de publicité, quoique plusieurs aient été toujours tenus secrets[211]. [Note 211: Cette propagation rapide et étendue de ses ouvrages est attestée par Guillaume de Saint-Thierry et par saint Bernard dans les lettres qui seront plus bas analysées. Le premier dit aussi que le «_Sic et Non et le Scito te ipsum fuyaient la lumière et ne se trouvaient pas aisément.» Il est à croire que plusieurs de ces ouvrages, surtout ceux qui avaient été condamnés, furent longtemps lus en secret, quoique assez répandus: «Libri ejusdem magistri diu in abscondito servati sunt ab ejus discipulis.» (Alberic. Triumf. Chronic., Rec. des Hist., t. XII, p. 700.--Histoire littéraire, t. XII, p. 97.)] Bientôt vingt ans allaient s'être écoulés depuis que le concile de Soissons avait prononcé, et peut-être était-il oublié. Du moins faut-il qu'Abélard le crût ainsi, ou que, ranimé par un retour d'empire et de popularité, il fut redevenu confiant dans sa fortune, et moins inquiet de l'habileté et de la force de ses ennemis, puisqu'il recommençait à livrer au public les mêmes doctrines qui l'avaient fait condamner une fois. Peut-être comptait-il sur l'autorité de son âge, sur celle de ses amis, sur la disparition de ses anciens rivaux, sur sa réconciliation ou plutôt sur ses relations convenables avec saint Bernard. Il se manifestait d'ailleurs en ce moment un vif mouvement intellectuel et comme un effort général de la liberté de penser. Abélard devait s'associer à ce mouvement qui venait en partie de lui, et il semblait le guider. Quoique plus retenu que ses élèves ou ses imitateurs, dès qu'il paraissait, il était aussitôt le premier dans les craintes et dans les aversions du parti de la vieille autorité. Il ne pouvait retrouver la renommée sans réveiller la haine et encourir le malheur. On aime aujourd'hui à tout rapporter à des causes générales, et l'histoire n'a plus d'événement qui ne soit présenté comme le symptôme ou le résultat de l'état des esprits au moment où il s'est produit. Cette manière de juger les choses humaines n'est jamais plus de mise que lorsqu'il s'agit de raconter un événement où figurent des philosophes et des théologiens, des penseurs et des prêtres, et qui n'est qu'une lutte critique entre deux doctrines. Nous sommes donc bien éloigné de séparer Abélard et sa querelle avec saint Bernard de l'état général du monde spirituel à leur époque. Ce conflit célèbre est un drame qui devait se reproduire plus d'une LIVRE PREMIER. 80
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« [Note 209: Nous ne faisons ici que les nommer.

Les deux derniers livres de cet ouvrage sont destinés à les faire connaître.] «J'étais tout jeune,» dit Jean de Salisbury, «lorsque je vins dans les Gaules pour y faire mes études.

C'était l'année qui suivit celle où le roi des Anglais, Henri, Lion de Justice, quitta les choses humaines (1135).

Je me rendis auprès du péripatéticien Palatin qui alors présidait sur la montagne Sainte-Geneviève, docteur illustre, admirable a tous.

Là, à ses pieds, je reçus les premiers éléments de l'art dialectique, et suivant la mesure de mon faible entendement, je recueillis avec toute l'avidité de mon âme tout ce qui sortait de sa bouche.

Puis, après son départ qui me parut trop prompt, je m'attachai au maître Albéric, qui excellait parmi les autres comme le dialecticien le plus réputé, et qui était effectivement l'adversaire le plus énergique de la secte des nominaux[210].» [Note 210: Johan.

Saresb.

Metalog., l.

II, c.

X, et Rec.

des Hist., t.

XIV, p.

304—Jean le Petit, de Salisbury, né, dit-on, on 1110, mais probablement plus tard, quitta l'Angleterre pour venir étudier en France.

Il y suivit les maîtres les plus célèbres, Abélard, Albéric, Robert de Melun, Guillaume de Conches, Adam du Petit-Pont, Gilbert dela Porrée, etc., et il nous a laissé de précieux détails sur les écoles de son temps.

Il retourna en Angleterre en 1161, remplit de nombreuses missions en Italie, fut appelé en 1170 à l'évêché de Chartres, et mourut le 25 octobre 1180.

(Hist.

litt., t.

XIV, p.

89.)] Ainsi peu de temps après ce dernier enseignement, et pour une cause inconnue, Abélard suspendit ses leçons; mais en reformant son école, il avait ravivé son influence et sa renommée.

Aussitôt devait se redresser contre lui la vigilance hostile qu'il avait constamment rencontrée.

L'éclat de ses leçons devait accroître encore la curiosité qui s'attachait à ses écrits théologiques; et suivant d'assez bonnes autorités, ce fut le moment où après les avoir achevés, il leur donna le plus de publicité, quoique plusieurs aient été toujours tenus secrets[211]. [Note 211: Cette propagation rapide et étendue de ses ouvrages est attestée par Guillaume de Saint-Thierry et par saint Bernard dans les lettres qui seront plus bas analysées.

Le premier dit aussi que le «_Sic et Non et le Scito te ipsum fuyaient la lumière et ne se trouvaient pas aisément.» Il est à croire que plusieurs de ces ouvrages, surtout ceux qui avaient été condamnés, furent longtemps lus en secret, quoique assez répandus: «Libri ejusdem magistri diu in abscondito servati sunt ab ejus discipulis.» (Alberic.

Triumf.

Chronic., Rec.

des Hist., t.

XII, p.

700.—Histoire littéraire, t.

XII, p.

97.)] Bientôt vingt ans allaient s'être écoulés depuis que le concile de Soissons avait prononcé, et peut-être était-il oublié.

Du moins faut-il qu'Abélard le crût ainsi, ou que, ranimé par un retour d'empire et de popularité, il fut redevenu confiant dans sa fortune, et moins inquiet de l'habileté et de la force de ses ennemis, puisqu'il recommençait à livrer au public les mêmes doctrines qui l'avaient fait condamner une fois.

Peut-être comptait-il sur l'autorité de son âge, sur celle de ses amis, sur la disparition de ses anciens rivaux, sur sa réconciliation ou plutôt sur ses relations convenables avec saint Bernard.

Il se manifestait d'ailleurs en ce moment un vif mouvement intellectuel et comme un effort général de la liberté de penser. Abélard devait s'associer à ce mouvement qui venait en partie de lui, et il semblait le guider.

Quoique plus retenu que ses élèves ou ses imitateurs, dès qu'il paraissait, il était aussitôt le premier dans les craintes et dans les aversions du parti de la vieille autorité.

Il ne pouvait retrouver la renommée sans réveiller la haine et encourir le malheur. On aime aujourd'hui à tout rapporter à des causes générales, et l'histoire n'a plus d'événement qui ne soit présenté comme le symptôme ou le résultat de l'état des esprits au moment où il s'est produit.

Cette manière de juger les choses humaines n'est jamais plus de mise que lorsqu'il s'agit de raconter un événement où figurent des philosophes et des théologiens, des penseurs et des prêtres, et qui n'est qu'une lutte critique entre deux doctrines.

Nous sommes donc bien éloigné de séparer Abélard et sa querelle avec saint Bernard de l'état général du monde spirituel à leur époque.

Ce conflit célèbre est un drame qui devait se reproduire plus d'une Abelard, Tome I LIVRE PREMIER.

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