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35 À l'est du golfe d'Aqaba et au sud d'Édom, le pays de Madiân se satisfaisait d'une existence paisible et reculée, accueillant parfois des nomades qui parcouraient la péninsule du Sinaï.

Publié le 30/10/2013

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35 À l'est du golfe d'Aqaba et au sud d'Édom, le pays de Madiân se satisfaisait d'une existence paisible et reculée, accueillant parfois des nomades qui parcouraient la péninsule du Sinaï. Les gens de Madiân, attachés à leur condition de pasteurs, se tenaient à l'écart des combats qui opposaient entre elles des tribus arabes du pays e Moab. Un vieux prêtre, père de sept filles, régnait sur la petite communauté des Madiânites qui ne se plaignait ni de sa pauvreté ni de la rigueur du climat. Le vieillard soignait la patte d'une brebis lorsqu'un bruit insolite frappa son oreille. Des chevaux. Des chevaux et des chars lancés à grande vitesse. Une patrouille de l'armée égyptienne... Pourtant, elle ne venait jamais à Madiân, dont les habitants ne possédaient aucune arme et ne savaient pas se battre. En raison de leur dénuement, ils ne payaient pas d'impôt, et la police du désert savait qu'ils ne se risqueraient pas à abriter des bédouins pillards, sous peine de voir leur oasis détruite et d'être condamnés à la déportation. Lorsque les chars égyptiens pénétrèrent dans le campement, hommes, femmes et enfants se réfugièrent dans leurs tentes en toile grossière. Le vieux prêtre se leva et fit face aux arrivants. Le chef de la patrouille était un jeune officier arrogant. -- Qui es-tu ? -- Le prêtre de Madiân. -- Es-tu à la tête de ce ramassis de pouilleux ? -- J'ai cet honneur. -- De quoi vivez-vous, ici ? -- De l'élevage des moutons, de la consommation des dattes et de l'eau de notre puits. Nos jardinets nous donnent quelques légumes. -- Possédez-vous des armes ? -- Ce n'est pas notre coutume. -- J'ai reçu l'ordre de fouiller vos tentes. -- Elles vous sont ouvertes, nous n'avons rien à cacher. -- On dit que vous donnez asile à des bédouins criminels. -- Serions-nous assez fous pour déclencher la colère de Pharaon ? Même si ce bout de terre est pauvre et oublié, il est le nôtre et nous y tenons. Violer la loi serait notre perte. -- Tu es un sage, vieil homme, mais je procéderai quand même à cette fouille. -- Je te le répète, nos tentes te sont ouvertes. Auparavant, acceptes-tu de prendre part à une modeste fête ? L'une de mes filles vient de donner naissance à un garçon. Nous mangerons de l'agneau et nous boirons du vin de palme. L'officier égyptien fut gêné. -- Ce n'est pas très réglementaire... -- Pendant que tes soldats feront leur devoir, viens t'asseoir à côté du feu. Affolés, les Madiânites se regroupèrent autour du vieux prêtre qui les rassura et leur demanda de faciliter la tâche des Égyptiens. Le chef de la patrouille accepta de s'asseoir et de partager le repas de fête. La mère était encore alitée, mais le père, un barbu au visage buriné, tassé sur lui-même, tenait son enfant dans ses bras et le berçait. -- Un berger qui craignait de ne pouvoir donner naissance, expliqua le vieux prêtre ; cet enfant sera la lumière de sa vieillesse. Les soldats ne découvrirent ni arme ni bédouin. -- Continue à faire respecter la loi, recommanda l'officier au prêtre de Madiân, et ton peuple n'aura aucun ennui. Chars et chevaux s'éloignèrent dans le désert. Lorsque le nuage de sable retomba, le père du nouveau-né se leva. L'officier eût été surpris de voir un berger rabougri se transformer en un colosse aux larges épaules. -- Nous sommes sauvés, Moïse, dit le vieux prêtre à son gendre. Ils ne reviendront pas.   Sur la rive occidentale de Thèbes, architectes, tailleurs de pierre et sculpteurs ne ménageaient pas leur peine pour bâtir le Ramesseum, le temple des millions d'années du Fils de la lumière. En application de la Règle, la construction avait débuté par le naos où résidait le dieu caché dont les humains ne connaîtraient jamais la forme. Une énorme quantité de blocs de grès, de granit gris et de basalte était entreposée sur le chantier que régissait une stricte organisation. Déjà s'élevaient les murs des salles à colonnes, déjà s'édifiait le futur palais royal. Comme l'avait exigé Ramsès, son temple serait un édifice fabuleux qui traverserait les siècles. C'est là que serait honorée la mémoire de son père, là que seraient célébrées sa mère et son épouse, là que serait transmise l'énergie invisible sans laquelle l'exercice d'un pouvoir juste était impossible. Nébou, le grand prêtre de Karnak, avait le sourire. Certes, le vieil homme fatigué et rhumatisant avait reçu la charge d'administrer le plus vaste et le plus riche des sanctuaires égyptiens, et chacun avait estimé que le choix de Ramsès était cynique et stratégique ; proche de la sénilité, Nébou ne serait qu'un homme de paille, vite remplacé par une autre créature du monarque, aussi âgée et servile. Personne n'avait prévu que Nébou vieillirait à la manière du granit. Chauve, lent à se déplacer, la parole rare, il gouvernait sans partage. Fidèle à son roi, il ne songeait pas, comme certains de ses prédécesseurs, à mener une politique partisane. Servir Ramsès était sa cure de jouvence. Mais aujourd'hui, Nébou oubliait l'immense temple, son personnel nombreux, sa hiérarchie, ses terres, ses villages, pour se pencher sur un petit arbre, l'acacia qu'avait planté Ramsès sur le site de son temple des millions d'années, en l'an 2 de son règne. Le grand prêtre de Karnak avait promis au monarque de veiller sur la croissance de cet arbre dont la vigueur était impressionnante. Bénéficiant de la magie du lieu, il s'élevait vers le ciel beaucoup plus vite que ses semblables. -- Es-tu satisfait de mon acacia, Nébou ? Le grand prêtre se retourna lentement. -- Majesté... On ne m'a pas averti de votre venue ! -- Ne réprimande personne, mon voyage n'a pas été annoncé par le palais. Cet arbre est magnifique. -- Je ne crois pas en avoir jamais vu d'aussi surprenant ; ne lui avez-vous pas communiqué votre vigueur ? J'aurai eu le privilège de protéger son enfance, vous le contemplerez adulte. -- Je désirais revoir Thèbes, mon temple des millions d'années, ma tombe et cet acacia, avant d'entrer dans a tourmente. -- La guerre est-elle inévitable, Majesté ? -- Les Hittites tentent de nous persuader du contraire, mais qui peut avoir foi en leurs déclarations lénifiantes ? -- Ici, tout est en ordre. Les richesses de Karnak sont vôtres, et j'ai fait prospérer les domaines que vous m'avez confiés. -- Ta santé ? -- Tant que les canaux du coeur ne seront pas bouchés, ma fonction sera remplie. Néanmoins, si Votre ajesté avait l'intention de me remplacer, je ne serais pas mécontent. Habiter près du lac sacré et méditer sur le ol des hirondelles est ma plus grande ambition. -- Au risque de te décevoir, je ne vois pas la nécessité de modifier la hiérarchie actuelle. -- Mes jambes se dérobent, mes oreilles se bouchent, mes os sont douloureux... -- Mais ta pensée demeure vive comme le vol d'un faucon et précise comme celui de l'ibis. Continue à travailler ainsi, Nébou, et à veiller sur cet acacia. Si je ne revenais pas, tu serais son tuteur. -- Vous reviendrez. Vous devez revenir. Ramsès visita le chantier, se souvenant de son séjour parmi les tailleurs de pierre et les carriers. Lui bâtissait l'Egypte jour après jour, eux construisaient les temples et les demeures d'éternité sans lesquels le ouble pays aurait sombré dans l'anarchie et la bassesse, inhérentes à l'espèce humaine. Vénérer la puissance de la lumière et respecter la Règle de Maât, c'était enseigner à l'homme la droiture, tenter de le détourner de son goïsme et de sa vanité. Le rêve du monarque se réalisait. Le temple des millions d'années prenait corps, ce formidable producteur d'énergie magique commençait à fonctionner de lui-même, par la simple présence des hiéroglyphes et des scènes gravées sur les murs du sanctuaire. En parcourant les salles dont le tracé était délimité, en se recueillant dans les futures chapelles, Ramsès puisa la force du ka, née du mariage entre le ciel et la terre. Il l'assimila, non our lui-même, mais pour être capable d'affronter les ténèbres dont les Hittites voulaient recouvrir la terre aimée des dieux. Ramsès se sentit porteur de toutes les dynasties, de cette lignée de pharaons qui avaient façonné l'Egypte à l'image du cosmos. Un instant, le jeune souverain de vingt-sept ans vacilla ; mais le passé devint une force et non un fardeau. En ce temple des millions d'années, ses prédécesseurs lui tracèrent le chemin.   Raia livra des vases aux notables de Memphis. Si ses suiveurs interrogeaient ses employés, ils apprendraient que le marchand syrien avait l'intention de continuer à satisfaire sa clientèle et de rester le fournisseur attitré des familles nobles. Aussi Raia appliquait-il sa méthode de vente habituelle, faite de contacts directs, de palabres et de flatteries. Puis il partit pour le grand harem de Mer-Our, qu'il n'avait pas démarché depuis deux ans, certain que cette visite rendrait perplexes les sbires d'Améni et de Serramanna. Ils croiraient que l'espion avait des complices dans cette noble et antique institution, et perdraient du temps et de l'énergie à explorer cette fausse piste. Raia leur en offrit une autre en séjournant dans un petit village, proche du harem, où il discuta avec des paysans qu'il ne connaissait pas. De toute évidence d'autres complices, selon le point de vue des enquêteurs égyptiens. Abandonnant ses suiveurs à leur perplexité, le marchand revint à Memphis afin de veiller aux conditions de transport de plusieurs chargements de conserves de luxe, les uns destinés à Pi-Ramsès, les autres à Thèbes.   Serramanna tempêtait. -- Cet espion se moque de nous ! Il sait que nous le suivons et il s'amuse à nous promener. -- Calme-toi, recommanda Améni. Il commettra forcément une faute. -- Quel genre de faute ? -- Les messages qu'il reçoit du Hatti sont dissimulés soit dans les conserves, soit dans les vases précieux. Je parie sur ces derniers, puisqu'ils proviennent, en grande partie, de Syrie du Sud et d'Asie. -- Eh bien, examinons-les ! -- Ce serait un coup d'épée dans l'eau. L'important, c'est la manière dont il expédie ses messages et le réseau qu'il utilise. Étant donné la situation, il est contraint d'avertir les Hittites qu'il ne peut plus poursuivre son activité. Guettons le moment où il fera une expédition d'objets quelconques à destination de la Syrie. -- J'ai une autre idée, avoua Serramanna. -- Légale, j'espère ? -- Si je ne fais pas la moindre vague et si je te donne le moyen d'arrêter Raia en toute légalité, me permetstu d'agir ? Améni tritura son pinceau de scribe. -- Combien de temps réclames-tu ? -- Demain, j'aurai terminé.

« Les soldats nedécouvrirent niarme nibédouin. — Continue àfaire respecter laloi, recommanda l’officierauprêtre deMadiân, etton peuple n’auraaucun ennui. Chars etchevaux s’éloignèrent dansledésert. Lorsque lenuage desable retomba, lepère dunouveau-né seleva.

L’officier eûtétésurpris devoir un berger rabougri setransformer enun colosse auxlarges épaules. — Nous sommes sauvés,Moïse,ditlevieux prêtre àson gendre.

Ilsnereviendront pas.   Sur larive occidentale deThèbes, architectes, tailleursdepierre etsculpteurs neménageaient pasleur peine pourbâtir leRamesseum, letemple desmillions d’années duFils delalumière.

Enapplication delaRègle, la construction avaitdébuté parlenaos oùrésidait ledieu caché dontleshumains neconnaîtraient jamaisla forme.

Uneénorme quantité deblocs degrès, degranit grisetde basalte étaitentreposée surlechantier que régissait unestricte organisation.

Déjàs’élevaient lesmurs dessalles àcolonnes, déjàs’édifiait lefutur palais royal.

Comme l’avaitexigéRamsès, sontemple seraitunédifice fabuleux quitraverserait lessiècles.

C’estlàque serait honorée lamémoire deson père, làque seraient célébrées samère etson épouse, làque serait transmise l’énergie invisiblesanslaquelle l’exercice d’unpouvoir justeétaitimpossible. Nébou, legrand prêtre deKarnak, avaitlesourire.

Certes,levieil homme fatiguéetrhumatisant avaitreçu la charge d’administrer leplus vaste etleplus riche dessanctuaires égyptiens,etchacun avaitestimé quele choix deRamsès étaitcynique etstratégique ; prochedelasénilité, Nébouneserait qu’un homme depaille, vite remplacé parune autre créature dumonarque, aussiâgéeetservile. Personne n’avaitprévuqueNébou vieillirait àla manière dugranit.

Chauve, lentàse déplacer, laparole rare, ilgouvernait sanspartage.

Fidèleàson roi,ilne songeait pas,comme certains deses prédécesseurs, à mener unepolitique partisane.

ServirRamsès étaitsacure dejouvence. Mais aujourd’hui, Nébououbliait l’immense temple,sonpersonnel nombreux, sahiérarchie, sesterres, ses villages, poursepencher surunpetit arbre, l’acacia qu’avait plantéRamsès surlesite deson temple desmillions d’années, enl’an 2de son règne.

Legrand prêtre deKarnak avaitpromis aumonarque deveiller surla croissance decet arbre dontlavigueur étaitimpressionnante.

Bénéficiantdelamagie dulieu, ils’élevait versle ciel beaucoup plusvitequesessemblables. — Es-tu satisfaitdemon acacia, Nébou ? Le grand prêtre seretourna lentement. — Majesté… Onnem’a pasaverti devotre venue ! — Ne réprimande personne,monvoyage n’apas étéannoncé parlepalais.

Cetarbre estmagnifique. — Je necrois pasenavoir jamais vud’aussi surprenant ; nelui avez-vous pascommuniqué votrevigueur ? J’aurai euleprivilège deprotéger sonenfance, vouslecontemplerez adulte. — Je désirais revoirThèbes, montemple desmillions d’années, matombe etcet acacia, avantd’entrer dans la tourmente. — La guerre est-elle inévitable, Majesté ? — Les Hittites tententdenous persuader ducontraire, maisquipeut avoir foienleurs déclarations lénifiantes ? — Ici, toutestenordre.

Lesrichesses deKarnak sontvôtres, etj’ai fait prospérer lesdomaines quevous m’avez confiés. — Ta santé ? — Tant quelescanaux ducœur neseront pasbouchés, mafonction seraremplie.

Néanmoins, siVotre Majesté avaitl’intention deme remplacer, jene serais pasmécontent.

Habiterprèsdulac sacré etméditer surle vol des hirondelles estma plus grande ambition. — Au risque detedécevoir, jene vois paslanécessité demodifier lahiérarchie actuelle. — Mes jambes sedérobent, mesoreilles sebouchent, mesossont douloureux… — Mais tapensée demeure vivecomme levol d’un faucon etprécise comme celuidel’ibis.

Continue à travailler ainsi,Nébou, etàveiller surcetacacia.

Sijene revenais pas,tuserais sontuteur. — Vous reviendrez.

Vousdevez revenir.. »

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